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109 avenue du petit barthelemy 13100 Aix-en-Provence
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Historique


 

La " Maison des Insensés "

Les premiers documents relatifs à notre hôpital remontent au XVII° siècle. Depuis longtemps déjà les habitants d’Aix réclamaient un établissement spécialisé en faveur des " insensés " de la ville, qui livrés à eux-mêmes et privés de ressources, divaguaient dans les rues où ils représentaient une source de troubles, de désordres et souvent de scandales.

Déjà en 1671, à Marseille, un prêtre de la ville, Monsieur Garnier avait eu l’idée de fonder, dans son domicile, une " renfermerie " pour quelques insensés. Mais à Aix et dans l’ensemble de la Provence il n’existait encore aucune maison de ce genre. Les administrateurs des Hôpitaux Généraux de notre ville (St Jean, La Miséricorde et La Charité), ne pouvant admettre les insensés dans leurs établissements mais désireux d’apporter un soulagement à ces malades se réunirent le 02 septembre 1691 et décidèrent de créer un établissement spécial, dénommé " Maison des Insensés " et de le soutenir de leurs moyens jusqu’à ce qu’il puisse se suffire lui-même, grâce à la charité publique.

Plutôt que de construire, ce qui aurait pris du temps, on loua une maison prés du couvent des Bénédictines et l’on s’empressa d’y enfermer quelques femmes démentes. Les trois hôpitaux généraux fournirent la subsistance pour ces toutes premières hospitalisées. Certes, le quartier était insalubre, la maison une bicoque qu’on équipa sommairement en construisant quelques " loges ", mais qu’importe, un évènement considérablement venait de se produire, le premier hôpital aixois pour insensés, précurseur du C.H. Montperrin, était né.

La nouvelle œuvre fut recommandée à la charité des fidèles par Monseigneur de Cosnac, Archevêque d’Aix, un des premiers bienfaiteurs, qui prescrivit une quête dominicale dans toutes les paroisses du Diocèse et permit de placer des troncs pour recueillir des offrandes.

En 1693, le Conseil de Ville, trop intéressé au soutien d’un établissent qui tournait à l’avantage des citoyens sous le rapport de leur tranquillité et de leur sécurité, délibéra de contribuer à son fonctionnement en lui attribuant pour 3 ans le produit des amendes de police, (financement très particulier à suggérer à la municipalité actuelle dès 1995 … ?)

Mais si l’argent afflue, cette maison s’avère vite trop exiguë et trop inconfortable. Le 03 mars 1697, les Administrateurs décidèrent donc de rechercher un emplacement plus vaste afin de pouvoir contenir les malades des deux sexes.


L’hôpital de la Trinité


Le 03 mars 1697, les administrateurs de la maison des Insensés décidèrent de rechercher un emplacement plus vaste pour les femmes démentes d’Aix.

Il achetèrent – après emprunt – un terrai spacieux, très bien exposé plein sud et situé dans le quartier Bellegarde, hors de la porte de la Ville de l’époque. Ce lieu sera appelé " Hôpital de la Trinité " ou " Hôpital des Insensés " selon les personnes.

Le 09 novembre 1698, les malades sont transférés dans un nouvel établissement qui, pour la première fois, va accueillir à la fois des hommes et des femmes. On construit donc des " loges " séparées pour l’un et l’autre sexe. On était loin de l’ancienne " renfermerie " insalubre d’avant …

Peu après, le 06 mai 1699, les Administrateurs des trois hôpitaux aixois décident que l’hôpital de la Trinité doit se diriger lui-même et confièrent les destinées de l’établissement à 10 " recteurs particuliers ", ancêtres de l’équipe de Direction actuelle. Ces nouveaux responsables s’acquittèrent très bine de leur tâche, ce qui les mire à même de proposer à la Cour du parlement de Provence un règlement général qui fut approuvé le 07 février 1705. Ils décidèrent aussi d’élargir le champ territorial d’admission et c’est ainsi qu’aux malades aixois s’ajoutèrent des malades venus de toute la Provence et même d’au-delà.

Des autorités étrangères à la province envoyèrent ainsi des " insensés " en promettant de payer une pension à l’hôpital (précurseur de l’ex-prix de journée) mais oublièrent trop souvent de s’acquitter de leurs dettes. Devant ces difficultés financières croissantes, les Recteurs ne pouvaient pas faire de procès en s’adressant à la juridiction exclusive du Parlement de Provence, l’hôpital n’étant en effet pas habilité ni reconnu officiellement.

Ils firent donc appel au Roi et à sa justice et, devant le bien fondé de la réclamation des Recteurs, sa majesté Louis XV décida, par lettres patentes de juillet 1737 enregistrées au Greffe Civil du parlement de Provence le 12 juillet 1738, de " confirmer et agréer "l’hôpital des insensés d’Aix, lui donnant ainsi une existence légale et la personnalité juridique. Cela permit aux Recteurs de plaider devant toutes les cours du Royaume. Le Roi s’exprimait ainsi : " …voulons et nous plait que l’hôpital Général des Insensés de notre bonne ville d’Aix en Provence soit capable à l’avenir de recueillir les legs, donations et autres libéralités contenues dans les actes entre vifs et de dernière volonté et de tous les effets civils, qu’il puisse être gouverné par 10 Recteurs, y compris le Secrétaire et le Trésorier, lesquels serviront 2 ans avec pouvoir de nommer leurs successeurs ".

L’ancêtre de Montperrin était officiellement né.


L’hôpital et la révolution

L’hôpital prospéra pendant ce XVIII° siècle, fonctionnant avec ses ressources personnelles. Pourtant la ville d’Aix ne lui facilita pas la tâche. Ainsi, malgré le fait que l’hôpital nourrissait et hébergeait gratuitement les malades de la ville (33 personnes soit _ de l’effectif de l’époque), celle-ci décida de ne plus lui verser les amendes de police. De même, la franchise de l’imposition du piquet de farine lui fût refusée par délibération du 4 avril 1705 et en 1743 le conseil de la ville lui refusa de l’eau pour une fontaine !

Les recteurs allèrent même s’adresser directement à l’Assemblée Générale des Etats, mais celle-ci rejeta en 1771 leur requête, en estimant que ce n’était pas à la Province d’entretenir l’hôpital. I fut conseillé de s’adresser aux commissaires du Roi chargés de l’Administration des hôpitaux qui ne répondirent pas. Vous constaterez que peu de choses ont changé depuis cette époque sur les relations parfois difficiles entre les hôpitaux et les collectivités publiques : Etat, Région, Département, Ville !

Puis vint la Révolution Française ; la Loi du 16 Vendémiaire an V (7 octobre 1796) édictée par le Directoire régla l’administration des hôpitaux sur les bases qu’elle a encore aujourd’hui. La surveillance des hospices était donnée aux administrations municipales, qui étaient alors celles des cantons, les municipalités des communes ayant supprimées par la constitution de l’an III. Mais surtout, cette loi enlevait toute indépendance aux hôpitaux dont elle faisait des " Quartiers d’Hospices " des Hôpitaux municipaux.

La loi de 1796 avait aussi prévu la mise en place d’une Commission administrative composée de 5 membres qui élisaient entre eux un Président et un secrétaire et hors d’eux un receveur tenu de rendre des comptes tous les 3 mois. L’Hôpital Général des Insensés continua donc son fonctionnement sous la surveillance de la Commission Administrative des hospices d’Aix. Il prit le nom de " Maison des Insensés " et fut dés lors considéré comme un quartier de l’hospice d’Aix.

Mais la grande bagarre allait commencer car les recteurs n’acceptèrent pas cette spoliation et la main-mise de la municipalité sur leur établissement et réclamèrent l’autonomie.


De la loi de 1838 à l’Asile Autonome de 1859 …

Refusant de voir traiter leur hôpital comme un quartier de l’hospice d’Aix, les Recteurs, opposés à cette sorte de fusion (l’histoire se répèterait-elle ? …) durent attendre la fameuse loi de juin 1938 qui abrogeait celle du 7 octobre 1796.

Cette loi qui a régi les hôpitaux psychiatriques jusqu’en 1990, a été voulue par le Docteur ESQUIROL. Elle stipulait dans son article 1 : " Chaque département est tenu d’avoir un établissement public spécialisé destiné à recevoir les aliénés ".

En 1858, afin de résoudre une controverse persistante, le Préfet des Bouches-du-Rhône voulut par application de la loi du 30 juin 1838 et l’ordonnance de 1839 faire ériger la Maison des Insensés en " Asile Public d’Aliénés ".

L’opposition à ce projet fut très vive de la part du Conseil Municipal de la Ville d’Aix et de la Commission des Hospices. En effet, cette commission prétendait que l’Asile – fondé et entretenu par l’administration des hospices avec les fonds des malades – appartenait à ces derniers et ne pouvait donc pas être détaché sans constituer une " souveraine injustice " (délibération du 12 novembre 1858 ).

Le Préfet tint bon, envoya le 3 mai 1858 un rapport précis au gouvernement réfutant les arguments cités ci-dessus, et le ministre de l’Intérieur donna raison au préfet dans une lettre datée du 10 juin 1859.

Par arrêté préfectoral du 17 juin 1859, la Maison des Insensés fut donc officiellement distraite des autres hospices et fut érigée en Asile Public Autonome ( PS : n’oubliez pas le Bicentenaire de notre hôpital le 17 juin 2059 …).

Un Médecin-Directeur, le Docteur PONTIER, fut nommé par le Ministre et une commission de surveillance de 5 membres désignés par le Préfet fut mise en place.
Le premier objectif de PONTIER était de reconstruire l’Asile de la Trinité qui n’était qu’une sinistre " renfermerie " de malades. Mais avec quel argent ?


L’acquisition de la Propriété de Monsieur PERRIN.

Trop vétuste, l’asile de la Trinité devait être reconstruit, mais où ? …
Le Docteur PONTIER, dès son entrée en fonction, exposait dans son entrée en fonction, exposait ans un rapport circonstancié dès le 7 juin 1860 les avantages d’un plan proposé par M. MARTIN, architecte départemental. Ce plan proposait de raser la " renfermerie " et de reconstruire des bâtiments neufs sur le même terrain.

Côté financement, l’Asile avait dégagé une enveloppe annuelle de 20 000 frs et le département avait promis une subvention de 66 000 frs, somme que malheureusement le Préfet refusa de débloquer le 23 juillet 1860 ! Suite à ce refus (que l’on peut qualifier d’heureux avec le recul), PONTIER abandonna le projet de reconstruction et se mis à chercher une solution moins chère en achetant un terrain à l’extérieur de la ville.

En 1864, la Commission administrative découvrit et acheté un beau terrain situé au début de la route de Marseille : la propriété de Monsieur PERRIN, et appelée par les Aixois Mont-Perrin parce qu’elle comportait une butte sur laquelle on pouvait voir la belle villa de M. PERRIN. Alentour s’étendait un domaine avec sa ferme et ses communs.

Un plan d’ensemble pour la construction mis plusieurs années à être approuvé.

Le 7 février 1867, le Docteur PONTIER fit la déclaration suivante à la commission de surveillance " Vous connaissez, messieurs, les conditions déplorables dans lesquelles se trouve une grande partie des bâtiments de l’établissement ; vous avez compris quelle influence funeste elles pouvaient avoir sur la santé des aliénés et prévoyez combien elle peut redoutable au fur et à mesure que la population de l’Asile s’accroît. Aussi n’avez-vous cessé de vous préoccuper de cette fâcheuse situation et avez-vous secondé tous les efforts pour y remédier. Le moyen le plus radical nous a paru être la construction de l’Asile sur un nouvel emplacement et avec l’assentiment de l’autorité supérieure nous avons acquis une belle propriété dite MONT-PERRIN dont le prix d’achat s’est élevé à 112 000 frs entièrement soldé aujourd’hui. Cette dépense a absorbé nos premières économies et nous avons été obligés d’arrêter nos élans philanthropiques.

Mais aujourd’hui le situation financière de l’Asile est assez prospère pour pouvoir disposer d’une somme de 100 000 frs et avec laquelle nous estimons que 2 pavillons peuvent être construits ".

Les premiers travaux débutèrent donc le 11 juillet 1867 et le premier transfert d’une partie des malades eut lieu fin décembre 1868. Dans la foulée, on construisit les 4 pavillons originels que sont actuellement PONTIER, DE CLERAMBAULT, DUCHENE et DELAY.

Le docteur PONTIER mourut en 1878, quelques mois avant la fin des travaux et le transfert du dernier malade de l'asile de Trinité.


La construction de Montperrin de 1686 à 1914


Pendant cette période que l’on peut qualifier d’historique, tous les bâtiments destinés aux malades sont achevés en 1878 ainsi que la Cuisine et les Bains. La chapelle est construite en 1882, puis les ateliers (1887), la buanderie et l’administration (1881). Parallèlement, les administrateurs achètent plusieurs parcelles attenantes : en 1876 et 1877 puis environ 10 hectares entre 1882 et 1883.

Le plan d’ensemble de 1871 est réalisé par l’architecte PIGNON.

Trois types de pavillons pour les malades ont été construits :
l Les 4 grands pavillons, disposés perpendiculairement à la cour centrale : deux à l’Est, deux à l’Ouest (par ordre de fin de construction et selon le nom actuel) : DE CLERAMBAULT (1869), PONTIER (1869), DELAY (1871), DUCHENE (1873). Ils mesurent 69 mètres de long sur 12 de large et disposent chacun d’un jardin clos.
Dans le plan originel du 10 Mai 1864 de PONTIER, ces pavillons à deux étages étaient conçus pour 50 aliénés. Il spécifiait aussi : " Il faut que par la circulation de l’air et du soleil cela ne ressemble pas à un lieu de détention ".

l Les 6 petits pavillons qui s’alignent sur le même axe à raison de trois de chaque côté de la cour. Ils mesurent 29 mètres sur 8. Ils ont tous été construits en même temps de 1876 à 1881. Ce sont l’OLIVIER, LAFORGUE, LE GUILLANT,GUIRAUD, LE LOTUS, ESQUIROL (la Sociothérapie) qui portaient alors des noms plus imagés : Malpropres, Epileptiques, Agités …

l Les Loges (les cellules) : en arc de cercle, elles ferment la cour au sud : le 3 Bis Hommes (le magasin actuel) et le 3 Bis Femmes.

Il faut noter que cette disposition était faite pour séparer les deux sexes ; les hommes à l’Ouest et les femmes à l’Est.

L’architecture de Montperrin correspond alors aux mentalités de 19éme siècle sur la folie. La folie doit être :
- isolée : l’asile de Montperrin est construit aux portes de la ville.
- Internée : l’asile est clos par des grilles (le mur d’enceinte a été réalisé en 1898 par les malades eux-mêmes).
- Emprisonnée dans les pavillons des loges .

Le dernier pavillon du 19émé siècle est CALAIS, construit en 1898. La population hospitalisée est passée de 345 malades en 1867, date du début des constructions, à 1 094 en 1914.

Montperrin de 1900 à 1939

Au début du siècle, Montperrin est un hôpital reconnu, avec plus de 700 malades pour 30 religieuses et … 4 infirmiers ! !

Depuis le décret du 12 Juin 1912, véritable premier statut de l’hôpital psychiatrique autonome, a prévu que les hôpitaux psychiatriques d’Aix, de Bordeaux, de Cadillac (Gironde), de Bailleul et d'Armentières (Nord) et de Bassens (Savoie) sont des Etablissements Publics administrés par un directeur et une commission administrative, sous l’autorité du Ministre de la Santé publique et du Préfet.

Montperrin fait donc partie du cercle très restreint des premiers hôpitaux psychiatriques français.

En 1914, l’effectif des malades grimpe brusquement par suite de l’arrivée d’une centaine de pensionnaires transférés des asiles du Nord envahis. La mortalité augmente alors considérablement (+ 20%). Ceci est dû à plusieurs facteurs :
- Mauvais état général des nouveaux arrivants
- Incompétence des soignants recrutés à la hâte pour remplacer les infirmiers, partis au front
- Tuberculose due à la promiscuité et à la surpopulation.

La période de l’entre-deux guerres est peu animée : pas de nouvelle construction, si ce n’est le logement du sous directeur en 1930 et la " maison brûlée " (logement situé contre l’avenue Pierre Brossolette) en 1935. C’est donc une période calme, avec une gestion de " père de famille " et 16 hectares en culture (note de 1941). La capacité officielle est de 850 lits, bien au-dessous de l’occupation réelle.

En 1937, l’état des lieux est celui-ci :
l 13 pavillons, un service d’homme dirigé par le Docteur REGIS et un service de femmes dirigé par le Docteur CARRIAT – Soit 2 médecins et 2 internes pour tout l’établissement.

l 236infirmiers pour 100 patients – 16 malades seulement ont été déclarés " Guéris " en 1 an. On note 6% de mortalité et les malades sont " entassés au coude pendant les repas " (extrait du bilan d’activité).

l Les affections mentales les plus observées sont :
- les délires chroniques
- la démence sénile
- la paralysie générale
- l’idiotie, le crétinisme et l’alcoolisme

l Les seuls médicaments utilisés sont : le Gardénal, le Chloral, les dérivés de la Valériane, les bromures et le bismuth.

L’Hôpital de 1939 à 1942

A Montperrin, où aucun chantier d’importance ne fut réalisé pendant cette guerre si ce n’est un abri anti-bombe sous le deuxième quartier des hommes, on dénombre 1 310 malades en mars 1941, record absolu.

D’après le Docteur REGIS, médecin-chef à l’époque, Montperrin fut un foyer de patriotisme : 17 agents furent déportés, 2 le payèrent de leur vie.

Sur le plan du personnel, si un troisième poste de médecin fut créé, le personnel infirmier se voit contraint de travailler 45 heures par semaine compte tenu de la mobilisation de 80 hommes sur les 128 que compte l’effectif (soit un ratio en 1941 de 11 malades par infirmier…). Sur ces 80 infirmiers mobilisés, on ne les remplacera que par 42 " Aide journalier infirmier ", sans aucune formation … En prime, les congés annuels passent de 40 à 21 jours et les salaires sont diminués.

L’effectif est toujours très faible. A titre d’exemple, au 16 mars 1940, on compte 7 personnels administratifs, 3 médecins, 14 surveillants, 114 infirmiers, 12 ouvriers et 42 agents des services généraux.

Au quotidien, c’est alimentation qui constitue le plus gros problème. Si en 1939, la direction avait acheté un cheptel conséquent avec 86 porcs, 10 vaches et 189 volailles, la situation devient préoccupante dès 1941. Il ne reste que 30 porcs, et trouver des pâtes et des légumes secs relève de l’exploit.

Le régime dit de " suralimentation " pour 25 % des malades était en 1942 de 90 grammes de viande tous les …2 jours et 15 grammes de matière grasse par jour. On peut imaginer ce qu’était le régime " normal ". La situation devient vite dramatique. Il n’est distribué que 40 litres de lait pour plus de 1 000 malades, on abat le maigre cheptel qu’on ne peut plus nourrir et l’économe demande officiellement au Conseil d’Administration de faire du marché noir puisque aucun producteur ne veut plus fournir l’hôpital aux tarifs officiels !

La pénurie touche aussi l’habillement ; le textile fait défaut, il ne peut être obtenu qu’avec des bons, et détail macabre, 407 costumes ont dû être " consommés " en 1942 pour l’habillement des morts (en nombre élevé à cette époque). D’où la décision du Conseil d’Administration de les inhumer nus et de laisser par ailleurs les malades sans chemises pendant 48 heures pour assurer le lavage et le raccommodage …

L’Hôpital de 1943 à 1945

Les médicaments sont rares en 1943. Pour pallier les difficultés d’approvisionnement des quelques calmants utilisés à cette époque (Bromure, Sedol, Somiphen et Chloral), l’Electrochoc découvert en 1940, est massivement utilisé. Pour le reste, il y a toujours les anti-épileptiques, les douches froides, et les activités occupationnelles.

Les maladies sont donc fréquentes, et on meurt beaucoup de Cachexie, c’est à dire de faim ! On note aussi une forte mortalité par tuberculose et la promiscuité favorise sa propagation.

En 1943, ce sont 316 décès qui sont enregistrés contre 75 en 1941 …, soit un taux de mortalité qui frise les 20% !

Les nazis, ne l’oublions pas, avaient organisé en Allemagne l’extermination de leurs propres malades mentaux dans un but d’eugénisme : de là découle leur volonté de systématiser les évacuations d’Hôpitaux Psychiatriques en France afin de fragiliser les malades qui n’avaient pas besoin de ça.

Ainsi, le 6 mars 1944, le Directeur de Montperrin reçut l’ordre des autorités allemandes d’évacuer les 1 054 malades présents, sans précision supplémentaire, et ce pour le 15 avril dernier délai.

A noter que ces évacuations ne servirent bien sûr à rien puisque les Allemands n’utilisèrent jamais Montperrin … Un premier contingent de 414 malades partit le 3 avril pour l’hôpital Psychiatrique de Mondevergue (Vaucluse). Un deuxième convoi partit le 4 avril : 68 hommes vers le Vinatier à Lyon et 95 femmes vers Bourg-en-Bresse. Un dernier convoi (toujours par wagons) prit la direction d’Aurillac (30 femmes) et du Puy (75 femmes).

Il ne restera à Montperrin que 70 malades intransportables ou indispensables à la bonne marche de la ferme, et on dût débaucher parmi les 138 infirmiers qui étaient restés sur place. Les évacuations continueront pour ne plus laisser que 27 malades à la fin de la guerre.

Enfin, après le débarquement allié du 15 août 1944, Montperrin fut utilisé comme Hôpital Général Américain jusqu’en 1946.

L’Hôpital de l’après-guerre - 1945-1950


Nous sommes en 1945. Depuis le 2 août, le Docteur REGIS a été rétabli dans ses fonctions de Directeur. Rappelons que Montperrin a été réquisitionné par l’armée américaine du 12 septembre 1944 au 5 mai 1946 comme hôpital militaire. A Partir de juin 1946 se poursuit le retour échelonné des malades survivants qui retrouvent alors Montperrin dans un état de dégradation avancé. Un processus global de réhabilitation des locaux s’avère nécessaire.

En 1948, Montperrin compte 985 lits (contre 1500 en 1941 ) dont 865 sont affectés aux " aliénés indigents placés d’office " ! Le pavillon 3 bis F accueille alors 50 femmes agitées - alitées.

En 1950, la commission administrative charge donc le Médecin-Directeur, d’acheter le terrain du Pigonnet (26 064 m2) pour 11 Millions de Francs afin d’y construire 5 pavillons de malades, car " cette augmentation des places disponible pour l’assistance aux psychopathes dans le département est une nécessité urgente " (délibération de la C.A du 15 novembre 1950). Vu la surpopulation de l’hôpital et l ‘urgence, la préfecture a dû prendre un arrêté d’expropriation pour ces terrains du Pigonnet que l’établissement souhaite acheter depuis 1946.

Enfin, on doit souligner que la gestion de l’hôpital peut être qualifiée de " familiale ", car la commission Administrative -l’ancêtre du Conseil d’administration, s’occupe de tout à cette époque : ainsi, on retrouve des délibérations sur la réparation d’un mélangeur, l’achat de 6 radiateurs et d’une éplucheuse, l’échange de 4 vaches contres 6 porcs, la confection de robes d’hiver, l’achat de pommes de terre, de galoches, l’abattage de la vache Flora et du cheval Papillon et même l’abonnement à une... deuxième ligne téléphonique (498 aujourd’hui... )

L’hôpital des années 1951 et 1952

En 1951, le Docteur Sicard préside la Commission Administrative ( ancêtre du Conseil d’Administration) … Montperrin compte encore 905 malades.

Vu l’effectif réduit en personnel infirmier à cette époque, la surveillance des patients est parfois aléatoires et il est intéressant de constater que les problèmes qui se posent en terme de responsabilité aujourd’hui sont les mêmes qu’autrefois : en effet, la veuve d’un médecin de ville assassiné par un pensionnaire demande le 11 janvier 1951 la somme faramineuse de 4 Millions de francs de dommages et intérêts à l’hôpital Montperrin en raison d’un " défaut flagrant de surveillance ".

Quant à la thérapeutique, elle évolue peu : on achète cette même année un " sistonothère " pour " traitements médicaux électriques sur les hommes ".

Les ateliers d’ergothérapies sont gérés par l’association des Amis du Cercle de Montperrin, qui reçoit une subvention de l’établissement.

Le début des années 50 est surtout marqué par la création d’un service de psychiatrie pour enfants. Le projet initial datait de 1948 et n’a aboutit qu’en 1953, avec la rénovation complète de la Villa Richelme (pour 40 Millions), avec 50 lits, 8 dortoirs et 4 chambres, pour accueillir " les enfants anormaux (sic) du sexe féminin de 7 à 14 débiles mentales rééducables et caractérielles à l’exclusion des délinquants récidivistes ". Cette villa Richelme se situait à l’emplacement actuel du Centre de Jour pour enfants (à coté du Louxor, en face de l’entrée de l’hôpital).

A part cela, on assure les chevaux pour les accidents de la route, et la commission administrative, toujours très portée sur les questions agricoles, décide le 21 décembre 1951 de vendre un verrat ; en effet " pour éviter les suites néfastes de consanguinité, il est nécessaire de changer de reproducteur ".


Montperrin de 1952 à 1956 :

C’est l’époque des grandes constructions. Hormis le " Cercle ", baraquement construit par L ‘Armée américaine en 1945 et qui deviendra vite la salle des fêtes (reconstruite en 1958), rien n’a été fait en 6 ans, de 1945 à 1951, alors que le nombre de malades est passé de 950 en 1953 à 1050 en janvier 1956 !

On doit souligner qu’un arrêté du ministre de la santé a fixé le 17 septembre 1953 la capacité maximum de l’établissement- selon les normes réglementaires en vigueur- à 685 Malades...

Alors, on crée un service d’électro-encéphalographie en avril 1954, on construit la Blanchisserie en 1951 - toujours à son emplacement actuel après sa rénovation en 1990- on crée le Garage en 1954.

Surtout, on lance les études pour 4 Bâtiments neufs d’Hospitalisation (Architecte, M. SOURDEAU) destinés à héberger 200 Psychopathes: Ces pavillons s’appellent actuellement : AUJALEU, MAGNAN, REGIS et REIBAUD.

Mais ce projet a longtemps suscité une polémique car les autorités départementales - contre le point de vue de la Commission Administrative de Montperrin- voyaient uniquement dans cette opération le moyen de déplacer les psychopathes de Marseille sur Aix ! Ainsi, le préfet écrivait à ce sujet en novembre 1954 :
" Il est inadmissible que nous ayons à Marseille des malades traités d’une façon grandement inhumaine. A Aix, sans connaître une vie de palace, ils sont traités d’une façon beaucoup plus décente. "

Ces pavillons seront finalement construits en 1957 sur le nouveau terrain du Pigonnet acheté le 2 août 1951 et situé au sud de l’Hôpital.

En ce qui concerne la Villa Richelme, son agrandissement est constamment repoussé compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le tracé de la future autoroute ( pénétrante Marseille/Aix). La villa sera finalement construite en 1955.


Montperrin en 1957


972 patients sont hospitalisés en 1957, et les conditions d’hospitalisations imposent de construire rapidement de nouvelles unités : le Bloc Médico-technique est ainsi mis en chantier en 1957 et la création d’une section de rééducation pour alcooliques est décidée le 13 mai 1957, à l’emplacement de l’actuel service d’alcoologie.

Le 1er août 1957, Louis PHILLIBERT, Conseiller Général, est admis au Conseil d ‘Administration : il y restera 41 ans ! .. Il déclare ce jour là : " je serai très assidu car tout ce qui concerne l’hôpital psychiatrique d’AIX m’intéresse particulièrement.

Par ailleurs, le nombre de décès est de 30 " indigents " en 1957 (... 4 décès en 1998) enterré avec le corbillard à cheval de l’établissement. , cheval employé de fait à temps partiel aux enterrements puisqu’il sert aussi aux travaux agricoles des fermes de Montperrin.

Enfin, la Commission administrative, toujours présidée par le Docteur SICARD, décide de réajuster le pécule des malades. (divisé en 5 catégories, de 20 à 110 F par jour, le paquet de Gauloises étant alors à 95 F et le soda à 40 F.

L’argumentation du Docteur REGIS, Médecin - Directeur est intéressante : il déclare en effet : " Le travail, qui n’est pas obligatoire à l’hôpital, a besoin d’être encouragé tant au point de vue thérapeutique qu’au point de vue " services effectifs rendus ", pour ne pas employer le terme de " rendement ". Je dois souligner ces faits pour assurer la continuité de la bonne marche de l’établissement et que par-là, le bon moral aidant, les sorties définitives puissent s’accroître, ce qui est d’ailleurs le but recherché par tout hôpital ".

Au vu de cette argumentation, il semble donc bien que l’hôpital Montperrin n’aurait pas pu fonctionner à cette époque sans l’aide des malades.


Montperrin en 1958


En août 1958, le Docteur REGIS, Médecin-Directeur, prends une retraite bien méritée. Il est remplacé par M. ROUZAUT, administrateur civil au Ministère de la santé et grand blessé de guerre. Il s’agit du premier directeur qui ne soit pas " Médecin-Directeur ".
Le Docteur SICARD, Président de la Commission Administrative depuis 1937, décède le 23 avril 1958. Il est remplacé par M. MAURIAT. Pour 1005 malades, on compte alors 263 infirmiers ( 160 femmes et 103 hommes).
Le 16 juin 1958, il est décidé la cession de terrain pour permettre la construction de l’autoroute, aujourd’hui pénétrante qui prolonge l’autoroute Marseille – Aix. En échange, Montperrin acquiert la Villa les Pins et la Villa les André. Sur le vaste terrain de la Villa Les Pins est alors décidé la construction du pavillon pour les Alcooliques.
La commission Administrative, qui se réunit une fois par mois, continue à s’occuper de tout ce qui se passe à l’hôpital : elle délibère sur l’achat d’un baby foot et d’un écran de cinéma,
sur l’abattage de la vache " Frisette ", autorise le remplacement d’une paire de lunettes cassé, choisit le vin, paye l’expert en exploitation agricole…
Puis le Dr. HAUSER remplace le docteur REGIS puisque le directeur n’étant plus médecin, il fallait conserver l’effectif du corps médical.
En cette année 2000, Le Docteur HAUSER vient d’ailleurs de donner son nom au Pavillon " ancien LE GUILLANT " situé à côté du pavillon LAFORGUE et dont les travaux de rénovation vont bientôt commencer.

Montperrin en 1959

On dénombre pour 1008 malades en Février 1959, 188 Infirmiers (ères), 38 Aides soignants, 50 élèves–infirmiers (ères) et 7 auxiliaires, soit plus de 39 % d’hommes dans le personnel soignant.
Du côté des postes médicaux, on dénombre alors 3 médecins chefs ( Mlle PETIT, M.VALLADE, M. HAUSER ) et 6 internes….

L’organisation médicale est intéressante à rappeler :

Pavillon en 1959
Nombre de "malades"
"Qualité des malades"
Nombre total d'infirmiers
Pavillon actuel
Dr PETIT
 
Toutes des Femmes
(Total des 3 équipes)
 
Infirmerie
42
Entrantes, malades intercurrents
11
L'Olivier
1 bis
138
Gâteuses et agitées
23
Clérambault
2ème Quartier
79
Calmes
12
Delay
3ème Quartier
53
Agitées
12
Guiraud
3 bis F
56
Agitées
15
3 bis F
4ème Quartier
40
Entrantes et réeducation
10
Esquirrol - socio
 
408
 
 
 
 
 
 
 
 
Dr HAUSER
 
 
 
 
1er Quartier Femmes
122
Gâteuses et calmes
26
Duchêne
Admission Femmes
38
Entrantes
10
 
 
160
 
 
 
 
 
 
 
 
1er Quartier Hommes
42
Calmes
10
Laforgue
Admission Hommes
40
Entrants
10
 
 
82
 
 
 
 
 
 
 
 
Dr VALLADE
 
Tous des hommes
 
 
27me Quartier
178
Calmes
27
Pontier
37me Quartier
42
Agités
10
Lotus - Self
3 bis
63
Agités
15
Pinel - Magasin
Infirmerie
75
Maladies intercurrentes
18
Calais
 
358
 
 
 



Par ailleurs, les associations de l’établissement rencontrent un franc succès : l’ " Olympique Montperrin " s’occupe du sport, le " Groupe artistique Montperrin " des nombreuses fêtes et du théâtre, la " Coopérative du personnel " des achats promotionnels pour le personnel et les " Amis du Club Montperrin " du fonctionnement des ateliers d’ergothérapie.

Montperrin en 1960 et 1961


le projet de démantèlement de l’hôpital


L’émoi fut grand en 1961 lorsque fut connu le plan de la Ville d’Aix pour la Zone à Urbaniser en Priorité ( ZUP). Alerté par un article du " Provençal " daté du 8 septembre 1961 qui indiquait que la Ville allait prendre la majeure partie de terrains de Montperrin, (36 hectares à l’époque ) la Commission Administrative allait s’élever très fermement contre tout démantèlement de l’Hôpital .
Il faut dire que ce projet de ZUP supprimait l’entrée, les pavillons Villa Avril et Villa les André, tous les terrains agricoles, les logements du Directeur, de l’économe et celui du Médecin chef, la conciergerie, les bassins d’eaux potables, la ferme et l’immeuble dit " Les cyprès " où sont logés les agents des services généraux et enfin les chemins d’accès aux pavillons !…
Au contraire, les administrateurs demandèrent alors à la municipalité 10 hectares supplémentaires pour désengorger l’hôpital qui compte toujours plus de 1000 malades.
Le projet de repousser Montperrin loin d’Aix fut aussi vigoureusement combattu et dans une motion, les médecins rappelèrent que " les terrains agricoles doivent être considéré comme un instrument thérapeutique ".
Une réunion de crise fut organisée le 18 Octobre 1961 à la Mairie au cours de laquelle les psychiatres de Montperrin refusèrent les propositions municipales.
Et lors de la Commission administrative du 23 Octobre, tel MIRABEAU deux siècles plus tôt, Louis PHILIBERT, Administrateur, déclara solennellement " L’Hôpital donnera des terrains libres à la Mairie, que la Mairie donne des terrains libres à l’Hôpital psychiatrique ! "
Devant cette farouche opposition, le projet de ZUP fut remis à plus tard et sérieusement amendé. Mais depuis, on peut constater que la vaste superficie de Montperrin n’a cessé de susciter les convoitises.

Puis, Montperrin reprend sa vie quotidienne : achat de 5 vaches laitières, renouvellement des 5 véhicules de l’établissement (NDLR : 78 aujourd’hui), achat d’un appareil combiné d’ électro-choc / électro-narcose …

Montperrin en 1962 et 1963

Il y a toujours plus de 1000 patients à Montperrin (1041 en février 1962). Parmi les 220 infirmiers, on recense 19 " Infirmiers principaux ", 11 diplômés d’état, 162 " diplômés de l’hôpital " et 28 " autorisés "
Le 12 mars 1962, il est décidé de donner le nom de M . REYBAUD, ancien Président de la Commission administrative de l’Hôpital à un pavillon neuf. Il est étonnant de constater que M. REYBAUD a perdu son " Y " au fil des temps puisque le pavillon actuel s’appelle " REIBAUD ".
En janvier 1962, les 4 pavillons neufs (50 lits chacun) du Pigonnet viennent d’être mis en service, avec un prix de journée de 25 NF…
On crée aussi un 4ème service médical, et l’ouverture en novembre 1962 du " pavillon des alcooliques " vient compléter le dispositif médical.​
Au 5ème plan d’équipement sanitaire 1966/1970 est prévu la construction de 2 pavillons neufs de 50 lits chacun (plus une nouvelle entrée), qui, selon le Directeur, " se substitueront aux bâtiments vétustes abritant actuellement les malades difficiles ". Il n’y en aura qu’un, ce sera le futur pavillon VALLADE, construit bizarrement dans le sens Nord/Sud et non Est/Ouest comme les autres pavillons.
Par ailleurs, la première psychologue de l’établissement (et la deuxième du département) est recrutée le 1er Avril 1963.

Nota : les vaches (suite) en mars 1962, il est demandé par délibération que les 2 vaches achetées fournissent un minimum de 18 litres par jour …




Thierry LUGBULL


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